Souffrance psychique au travail : les femmes deux fois plus touchées
Selon une enquête de Santé publique France, la prévalence de la souffrance psychique en lien avec le travail (SPLT) a doublé entre 2007 et 2019. En 2019, 5,9 % des femmes et 2,7 % des hommes.
La souffrance psychique en lien avec le travail (SPLT) constitue un enjeu de santé publique important, pour ses conséquences sur la qualité de vie des travailleurs et son coût économique. Des mesures de prévention sont déployées pour partie dans le milieu du travail. Cependant, la souffrance psychique ne figure pas dans les tableaux de maladies professionnelles des régimes de sécurité sociale, et elle est donc peu reconnue en maladie professionnelle.
Dans ce contexte, cette étude publiée au Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH) vise à évaluer la prévalence de cette souffrance et à identifier ses déterminants socioprofessionnels et les agents d’exposition professionnelle associés. Ce travail s’appuie sur les données du Programme de surveillance des maladies à caractère professionnel (MCP), enquêtes transversales répétées reposant sur des médecins du travail volontaires et leurs équipes, réalisées de 2013 à 2019. Les évolutions ont été estimées depuis 2007.
Les femmes deux fois plus touchées
La prévalence de la SPLT était deux fois plus élevée chez les femmes, quelle que soit l’année (5,9% chez les femmes contre 2,7% chez les hommes en 2019). Ces prévalences doublaient sur la période 2007-2019 chez les deux sexes. Les troubles anxieux et dépressifs mixtes étaient les affections psychiques les plus fréquemment signalées par les médecins du travail, suivis des troubles dépressifs. L’âge, la catégorie socioprofessionnelle et le secteur d’activité étaient associés à la SPLT de façon robuste.
Toutes choses égales par ailleurs, le risque de signalement d’une SPLT était plus élevé chez les femmes de plus de 35 ans et chez les hommes de plus de 25 ans par rapport aux moins de 25 ans. Il augmentait avec la catégorie socioprofessionnelle et atteignait un maximum chez les femmes cadres et les hommes cadres. Les risques de signalement d’une SPLT étaient les plus élevés chez les femmes travaillant dans les secteurs du transport et de l’entreposage, de la construction, et de l’industrie. Chez les hommes, les secteurs pour lesquels les risques étaient les plus importants étaient l’agriculture, les autres activités de services, et l’hébergement et la restauration. Les auteurs pointent que « le secteur de la santé humaine et de l’action sociale, dont la souffrance au travail est pourtant largement médiatisée depuis quelques années, ne ressortait pas comme plus à risque chez les femmes dans la présente étude ».
Des problématiques managériales et relationnelles
Les chercheurs ont également analysé les Facteurs organisationnels, relationnels et éthiques (Fore) qui favorisent l’apparition de la SPLT chez les travailleurs. Dans les troubles dépressifs et anxieux, il s’agit principalement des problématiques « managériales et relationnelles », des « surcharges ou sous-charges de travail ressenties » et des « relations au travail et à la violence ».
Dans leur conclusion, les auteurs soulignent que les liens entre travail et santé mentale sont complexes. Si le travail peut avoir des effets bénéfiques sur la santé mentale (en favorisant par exemple les interactions sociales et l’estime de soi), « il peut également être à l’origine de souffrance psychique en fonction des conditions dans lesquelles il s’exerce. » Les secteurs d’activité les plus à risque devraient être la cible prioritaire des actions de prévention. Par ailleurs, la mise en place de politiques visant à réduire les inégalités entre les sexes dans les secteurs les plus à risque contribuerait à une répartition plus équitable des expositions professionnelles, et aurait possiblement un impact positif sur la santé mentale des salariées, deux fois plus impactées par la souffrance psychique en lien avec le travail que les hommes. En favorisant des environnements plus égalitaires, le milieu du travail est un cadre d’intervention privilégié afin d’améliorer et promouvoir la santé mentale de toutes et tous.
• La souffrance psychique en lien avec le travail à partir du Programme de surveillance des maladies à caractère professionnel : résultats des enquêtes transversales 2013 à 2019 et évolution depuis 2007, Pauline Délezire et al., BEH, 5 mars 2024.
A lire aussi sur ce sujet, les résultats du rapport Axa sur la santé mentale dans le monde, menée avec I'Ipsos, qui pointe que dans le travail, les difficultés mentales et psychologiques endurées sont très importantes. Beaucoup d’actifs rencontrent actuellement des problèmes psychologiques en raison de leur travail et plus spécifiquement des épisodes de grande fatigue et de manque d’énergie (58% dans le monde, 59% en France), des troubles du sommeil (50%, 47% en France), du stress et de l’anxiété difficile à contrôler (47%, idem en France), des moments de pertes d’intérêt ou de plaisir (46% au global, 47% en France), des problèmes de concentration et des difficultés à prendre des décisions (46%, 35% en France), de la perte de confiance en soi (43%, 40% en France), un sentiment de dévalorisation (41%, idem en France) ou encore des troubles de l’appétit ou de l’alimentation (33%, 27% en France). Globalement dans le monde, 41% des actifs disent rencontrer actuellement au moins 5 problèmes psychologiques à cause de leur travail. En France, la situation n’est pas bien meilleure puisque plus d’une personne qui travaille sur trois déclare vivre au moins 5 de ces difficultés (39%). En conséquence, 61% des actifs envisagent une ou des actions de désengagement à l’égard de leur travail en raison de son impact sur leur bien-être psychologique. Extrait de : AXA Mind Health Report : la santé mentale se détériore à travers le monde
Source : https://www.santementale.fr/2024/03/souffrance-psychique-au-travail-les-femmes-deux-fois-plus-touchees/